Les Britanniques redessinent l'Europe
Le débat entre pro- et anti-Brexit s'intensifie à mesure que l'échéance se rapproche. A quelques jours du référendum sur le possible retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, consultation prévue le 23 juin, l'issue semble incertaine. Les derniers sondages donnent 43% pour le camp du Brexit et 41% pour celui du maintien dans l'UE, avec en conséquence un assez large panel d'indécis.
On connaît les relations tumultueuses du Royaume-Uni avec la construction européenne. Favorables depuis toujours à l'économie de marché, les Britanniques ont fini par rejoindre, avec l'aval de la France, la Communauté économique en européenne (CEE) en 1973. Mais, culturellement hostiles au centralisme, en particulier juridique, ils n'ont eu de cesse de manifester leur défiance à l'encontre d'un processus d'intégration et d'une réglementation européenne jugés trop contraignants.
Un référendum lourd d'enjeux
Que se passera-t-il si les Britanniques décident de se retirer de l'UE ? Les prédilections des uns et des autres sont je crois à prendre avec des pincettes, tant il difficile d'évaluer avec précision les conséquences d'un retrait. Une chose est sûre : le demi-milliard d'Européens que compte le marché intérieur offre aujourd'hui des débouchés extrêmement précieux aux services et produits britanniques. Près de la moitié des exportations du Royaume-Uni concerne l'UE. Il existe donc là un réel danger si, confronté hors de l'UE à des droits de douane, le pays ne parvenait pas à maintenir un même niveau de performances commerciales. De la même façon, Londres pourrait perdre les débouchés que lui offre sa première place européenne de capitale financière, secteur qui dans sa totalité représente 11% de la richesse nationale britannique ! Attractivité commerciale, stabilité monétaire et financière, capacité d'investissement et, par ricochet, conséquences sur le niveau de chômage : les effets d'une sortie isolée du Royaume-Uni sur l'activité économique me paraissent à tous points de vue risqués. Les enjeux dépassent de beaucoup le seul cas britannique. Partout l'euroscepticisme gagne du terrain sous l'effet cumulé de l'impuissance de l'Europe à juguler le déclin économique et à enrayer l'afflux migratoire. On l'a vu notamment en Grèce, en Hongrie ou, plus récemment encore, en Autriche. Les concessions obtenues de l'UE par le gouvernement de David Cameron et sur lesquelles aura finalement à se prononcer le peuple britannique fournissent à mes yeux l'occasion inédite de réfléchir à la direction que nous souhaitons infléchir à la construction européenne. Face aux démagogues attitrés, il nous faut avoir le courage de répondre à cette question : comment l'Europe, qui apparaissait hier comme la solution à presque tous les maux, en est-elle venue à être perçue comme un problème supplémentaire venant s'ajouter aux autres ?
Le syndrome de l'UE ? Son jacobinisme !
J'aborde le sujet ô combien sensible de l'Europe avec d'autant plus de lucidité que je me suis moi-même toujours défini politiquement comme Européen. Mais, en l'occurrence, la lucidité commande de reconnaître la crise de légitimité sans précédent que traverse aujourd'hui l'UE. Beaucoup de choses lui sont reprochées, non sans quelque raison : une multiplication des réglementations et des contraintes, une attitude jusqu'au-boutiste dans des domaines qui en vertu de la subsidiarité ne devraient pas la concerner, une logique punitive perçue comme illégitime et paralysante. La dénonciation rituelle, par les extrémistes de gauche comme de droite, d'une « Europe ultralibérale » est dans ces conditions un pur mensonge. Par son bureaucratisme opaque, son omnicompétence forcenée et son centralisme parfois autoritaire, l'Europe bruxelloise apparaît au contraire calqué sur le modèle interventionniste et jacobin
attentatoire aux libertés ! De sorte que s'ajoute souvent à la technocratie de l'Etat celle de l'Europe, au plus grand dam des Français et des Européens.
L'immense défi
Malgré les désillusions qu'a pu entraîner jusqu'ici la construction européenne, l'Europe politique ne reste pas moins nécessaire. Pourquoi ? D'abord pour faire contrepoids aux Etats-Unis et à l'émergence de nouvelles puissances tels que la Chine, l'Inde ou le Brésil. Mais aussi pour des raisons culturelles et historiques, les peuples européens ayant été trop longtemps déchirés par des conflits et des rivalités qu'il serait dangereux de raviver. Si difficile à trouver, l'équilibre entre l'autonomie et l'union reste un perpétuel objectif. De ce point de vue, l'incurie de la présidence Hollande est effarante ! Que retiendrons-nous, en mai prochain, de l'action de François Hollande sur la scène européenne ? Rien. Quelle initiative a-t-il prise concernant la redéfinition de l'espace Schengen et la lutte contre le terrorisme ou le déferlement migratoire ? Aucune. Où en est le couple franco-allemand ? Nulle part. Heureusement qu'il y eut ses participations aux commémorations pour rappeler l'Europe au bon souvenir de nos compatriotes
Disons-le franchement : c'est sur le terrain de l'Europe que la présidence Hollande fut le plus préjudiciable à la France. Au plus grand bénéfice des eurosceptiques, qui ont eu beau jeu d'exploiter les faiblesses de l'UE et le mutisme français. Quelle que soit l'issue du référendum, la droite devra renouveler son projet européen en l'assortissant d'une finalité précise, notamment géographique. Comment, à cet effet, ne pas évoquer le brûlant dossier turc ? L'entrée dans l'UE d'un pays de 75 millions d'habitants, à laquelle la majorité des Français et des Européens sont opposés, signerait peut-être irrévocablement la mort de l'Europe politique. La teneur des projets présentés par les principaux candidats à la primaire de la droite est, à cet égard, plutôt réjouissante. Tous semblent déterminés à redéfinir un espace sécuritaire seul garant des libertés, à réactiver le couple franco-allemand et à procéder aux nécessaires ajustements institutionnels. La droite semble enfin prête à relancer demain le beau projet européen !
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