Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/07/2016

L'infolettre du sénateur Dominati

La session extraordinaire du Sénat s'est achevée par le débat sur la reconduction de l'état d'urgence, alors même que le président de la République avait annoncé qu'il n'avait plus de raison d'être. Ma collègue, sénatrice des Alpes-Maritimes, Dominique ESTROSI-SASSONE, a exprimé avec une forte émotion notre chagrin, notre solidarité et surtout notre colère. C'est peu dire que cet attentat ma, comme à tous les Français, soulevé le cœur.
 
Au-delà de la légitime indignation, de la pensée émue que nous avons pour les victimes et leurs familles et du soutien infaillible que nous exprimons à l'égard des forces de secours et de sécurité, cest de la colère que nous ressentons. Je pense, comme beaucoup de Français, que depuis les attentats de janvier 2015 et de novembre derniers, toutes les leçons n'ont pas été tirées.
 
Si le Sénat a accepté de proroger une nouvelle fois l'état d'urgence, pour 6 mois cette fois, c'est avec la volonté de l'assortir de mesures pragmatiques destinées à lutter plus efficacement contre le terrorisme : facilitation de la fermeture de lieux de culte salafistes, extension des pouvoirs de contrôle du préfet, suppression de l'automaticité des réductions de peine. Reste que cette nouvelle prolongation de l'état d'urgence n'est pas sans présenter un effet trompe-l’œil.
 
Le vrai débat sur la politique sécuritaire du gouvernement n’a pas eu lieu. Le vote sur l'état d'urgence, qui n'est qu'un ensemble de moyens mis à la disposition de nos forces de sécurité, ne traite pas le fond du problème. Aussi, l'union nationale qui prévaut pour les victimes et leurs familles, et qui est naturelle à l'égard des forces de l'ordre, ne peut s'imposer à l'égard d'un gouvernement qui nous fait douter sur sa capacité à contrer la menace terroriste.

 

Que faisons-nous exactement au Proche-Orient ?

 
Tout dabord, si nous sommes « en guerre », comme ne cesse de marteler le pouvoir, c'est parce que la France respecte ses alliances et intervient en Syrie depuis 2014. Cela suppose que nous ayons bien identifié la nature de l'ennemi. Or l'immense majorité des Français ignore qui se cache derrière lÉtat islamique et quels sont ses plus hauts dignitaires. Si cette situation fut compréhensible au lendemain de l'attentat contre Charlie Hebdo, elle est anormale dix-huit mois après.

C'est le rôle de l'exécutif de nous indiquer, pas à pas, les résultats des raids menés par l'aviation française contre les bastions de l'État islamique, quitte d'ailleurs à ce que ces résultats ne soient pas probants. Il y a là un devoir d'information du gouvernement vis-à-vis de nos concitoyens. Au lieu de cela règne le plus grand flou, alimentant par là le climat de défiance. Dix-huit mois après, les Français ne savent toujours pas quels sont les principaux chefs des terroristes, ni quels sont leurs véritables alliés, pas plus qu'ils ne savent quels sont nos buts de guerre. Si les Américains ont mis des années à traquer Ben Laden, au moins connaissaient-ils l'objectif de leur armée.
 
Quoiqu'il en soit, je suis convaincu que la paix en France dépend de notre victoire au Proche-Orient. Il importe d'agir en priorité sur les causes avant d'agir sur les conséquences.
 
Le président de la République nous a engagés, mais il ne se donne pas les moyens d'agir avec efficacité. Si l'on peut comprendre que des troupes occidentales ne doivent pas intervenir au sol en Syrie, que fait notre diplomatie pour exiger une intervention terrestre de nos alliés arabes alentours ? Que fait notre diplomatie pour accroître l'efficacité de notre armée aux côtés des troupes russes, plus actives que les nôtres ? Que fait notre diplomatie suite au recul américain vis-à-vis d'Assad ?
 
Sur chacun de ces sujets, le mutisme du pouvoir alimente la défiance !

 

Une polémique stérile sur les effectifs de Police comme seule réponse

 
L'autre incompréhension, cyniquement alimentée par l'exécutif, tient aux effectifs des forces de sécurité. Le ministre de l'Intérieur répète inlassablement que la droite a supprimé 12 500 postes en cinq ans, tandis que le gouvernement socialiste en aurait, lui, créé 9 000. Depuis dix-huit mois, le discours n’a pas varié, comme si l'action passée le paralysait pour prendre de nouvelles décisions.

Dabord, il faut comparer ce qui est comparable. La situation n'était pas la même. Mieux vaut moins d'effectifs et pas d'attentats que plus d'effectifs et sept attentats qui, avec plus de 250 victimes, ont endeuillé notre pays. Mais plus grave, ces chiffres sont faux. Alors qu'en 2011, dernière année pleine du mandat de Nicolas Sarkozy, l'effectif des policiers et gendarmes atteignait 240 298 unités, on en dénombrait 239 430 en 2015, soit 868 de moins.


Sil est vrai qu'un effort est fait pour renforcer les effectifs, la prise de conscience fut très tardive puisqu'il a fallu attendre les attentats du 13 novembre 2015 pour réagir. La veille, le budget du ministère de l'Intérieur déposé sur le bureau du Sénat après son adoption à l'Assemblée nationale prévoyait même une baisse, suite à un amendement gouvernemental. L'alibi sur les effectifs est stérile, car les variations que l'on évoque ne représente à peine 1 à 2 % des effectifs composés de 250 000 agents œuvrant pour notre sécurité.
 
Faut-il rappeler que la France compte, avec un agent pour 248 habitants, les effectifs de police les plus importants d'Europe ? Ce qui est en cause ici, ce ne sont pas les hommes sur le terrain, dont la qualité ne se dément pas, mais les structures de commandement et de coordination. Depuis le début des attentats, aucune mesure majeure en matière d’organisation n'est venue modifier notre dispositif. Le ministre se déclare régulièrement satisfait du fonctionnement de son ministère. Le scepticisme que provoque cette assurance alimente, là encore, la défiance !

 

S'ils convergent, les avis ne provoquent pas moins la désunion…

 
Pourtant, nombreux sont les parlementaires, toutes tendances confondues, qui en respectant les formes ont fait part au ministre de leurs interrogations. Les questions d'actualité depuis dix-huit mois en sont l'illustration. Le PNR, ce fichier concernant les voyageurs du transport aérien, n'est toujours pas en place... c'est la faute à L'Europe ! Le Parlement a voté dans l'urgence une loi pour la sécurité dans les transports en commun en mars, mais les décrets d'application ne sont toujours pas publiés… c'est la faute au Conseil d'État ! Que dire du renseignement intérieur ? Avant l'attentat du Bataclan, j’ai présenté à la commission des finances 10 préconisations dans mon rapport sur le renseignement intérieur, aucune n’a été étudiée bien qu'il fut adopté à l'unanimité. Plusieurs hommes politiques de premier plan ont souhaité une réflexion sur notre organisation dans ce domaine. Il y a quelques jours, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale présidée par Georges FENECH, à laquelle ont contribué mes collègues parisiens Philippe GOUJON et Pierre LELLOUCHE, et dont le rapporteur était socialiste, est arrivé aux mêmes conclusions. Ces 40 propositions furent de la même façon balayées d'un revers de la main, au point de provoquer l'indignation des familles des victimes et d'alimenter une fois de plus la défiance !
 

 

Les commentaires sont fermés.