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20/04/2010

A propos des 35 heures, par Philippe DOMINATI

Les 35 heures atténuées ??

Erreur ou acquis social ? Un peu plus de 10 ans après sa mise en œuvre, le débat qui a eu lieu au Sénat il y a quelques jours sur la loi Aubry a mis en exergue les points suivants :

Dix ans après la loi sur les 35 heures, le premier constat, c'est qu'elle n'a pas contribué à créer des emplois. Elle devait créer 700.000 emplois. Or seuls 350.000 emplois ont été crées entre 1997 et 2002 et ceux-ci résultent en réalité uniquement de la croissance de la France et non de la durée du temps de travail . Ce chiffre recouvre en effet à la fois des effets d’aubaine et des changements de régime. Des effets d’aubaine car les 35 heures ont été mises en place en pleine période de croissance économique. De nombreux chefs d’entreprises ont ainsi bénéficié d’exonérations de cotisations pour des emplois qui auraient de toute façon été crées. Des changements de régime car de nombreuses embauches correspondaient au passage en CDI des salariés en CDD ou en intérim. En outre, la réduction de cotisations sociales sur les bas salaires et l’introduction d’une flexibilité accrue de l’organisation du travail ont joué un rôle important dans la création d’emplois.

Le coût de cette réforme est astronomique :

On l’évalue à deux points de croissance chaque année soit 40 milliards d’euros dont 21 milliards au détriment du budget de l'Etat pour les seuls allégements de charge . Le coût du travail a augmenté de 11%. Si les lois Aubry ont pu être mises en œuvres sans trop de difficulté, c’est parce qu’elles se sont accompagnées d’importants allègements de charges sociales et parce que les entreprises ont pu bénéficier de l'aide de l'Etat tout en bloquant les salaires pour s'en sortir.

3000 heures de temps de travail annuel en 1830 contre 1451 heures aujourd’hui, ce qui représente 250 h de moins qu’aux États Unis et 111 h de moins qu’au Royaume Uni. Les Allemands, les Espagnols, les Italiens, les Néerlandais travaillent tous plus de 38 heures. La France est le seul pays dans lequel la législation a réduit unilatéralement la durée du travail de tous les salariés. Comment, dans une économie mondialisée, pouvons-nous être compétitifs en ne travaillant que 35 heures ? Nous sommes le seul pays où l'argent public est dépensé pour limiter le temps de travail.


Cette loi n’a pas permis à la France de garder un niveau de production important et ainsi de rester dans la 'compétition mondiale'. La réduction du temps de travail ne peut avoir d’impact positif sur la compétitivité des entreprises qu’à la condition que les gains liés à la réorganisation du travail et à l’augmentation de la productivité horaire compensent la baisse du temps de travail. Or, une étude de l’OCDE montre que ces diminutions de la durée du temps de travail ont conduit à un affaiblissement de la productivité. Les gains annuels de productivité sont seulement de 0,8% en 2008 contre 3,2% dans la décennie précédente. Les Français doivent désormais effectuer la même quantité de travail avec 4h en moins. Autrement dit, ce sont leurs conditions de travail qui se sont dégradées.

Cette perte de compétitivité pèse sur les exportations : pendant que les entreprises françaises affectaient leurs gains de productivité au financement des 35 heures, leurs concurrentes étrangères pouvaient baisser leurs prix et investir dans la recherche et le développement. Cette perte de compétitivité s’est traduite par de nombreuses délocalisations et un effondrement du commerce extérieur de la France.

Les 35 heures ont « tué l’hôpital » et alourdit la charge de la fonction publique : infirmières manquantes, insuffisance des recrutements, des sous-effectifs chroniques, la dégradation de la qualité du service est particulièrement sensible dans le milieu hospitalier. Dix ans après, l’Etat continue à dépenser des millions d’euros pour convertir des crédits comptes épargne-temps et pour payer les heures supplémentaires. 56% des salariés disposent de moins de temps pour effectuer les mêmes tâches ; 46% ont connu une dégradation de leurs conditions de travail.

Les 35 heures promettaient un quotidien meilleur à tous les Français. Les plus satisfaits de la réforme sont les cadres, qui ont récupéré des jours de congé, quand ceux qui s'en plaignent le plus sont les ouvriers. L’intérêt d’avoir plus de temps libre est limité lorsqu’on n’a pas assez d’argent pour en profiter. Il aurait fallu laisser le choix aux Français. De nombreux salariés ont besoin, pour gagner plus, de travailler plus. La France est coupée en deux : d’un côté ceux qui font effectivement les 35 heures, de l’autre ceux qui sont restés à 39 heures et ceux qui n’ont jamais compté leur temps comme les médecins, les commerçants, les agriculteurs ou les salariés du secteur social. Ainsi selon le ministère du Travail, la durée collective moyenne du travail hebdomadaire est de 35,1 heures dans les entreprises de 500 salariés et plus contre 36,6 heures dans les entreprises de 10 à 20 salariés, et elle est encore plus élevée chez les employeurs de moins de 10 salariés, restés quasiment tous aux 39 heures.

Une partie des effets de la loi a été effacée par les lois promulguées postérieurement. Depuis le retour de la droite au pouvoir, cinq lois sont venues remettre en question les 35 heures. La loi Fillon (17 janvier 2003) a assoupli les conditions de rémunération des heures supplémentaires, permettant aux entreprises de réduire par accord collectif le taux de majoration jusqu'à 10 %. La loi Ollier-Novelli (31 mars 2005) a facilité la possibilité de stocker des jours de congés et de RTT sur le compte épargne temps pouvant être transformé en argent. La loi Tepa (21 août 2007) incite financièrement les entreprises et les salariés à recourir aux heures supplémentaires. Une loi en faveur des PME (2 août 2005) étend le recours au forfait jour, jusqu'alors réservé aux cadres. La loi « portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail » (20 août 2008) permet à chaque entreprise de fixer, par accord, son contingent d'heures supplémentaires et de se passer de l'autorisation de l'inspection du travail, en deçà de 48 heures de travail par semaine, et relève le plafond des forfaits en jours à 235 jours.

Si les lois Aubry n’ont eu de cesse d’être assouplies depuis 2002, l’addition des 35 heures est sévère. La suppression des allégements de charge mis en place en raison de ces lois, ferait disparaître, selon un rapport établi par M. Tavernier, 600.000 à 800.000 emplois. Preuve que la suppression pure et simple des 35 heures n’est pas si simple à régler. Mais la vision idéologique du travail « aliénant » - que n’a-t-on entendu sur le sujet sur les bancs de la gauche ! - a vécu. La valeur travail doit, comme le voulait LE Président de la République, retrouver ses lettres de noblesse, être réhabilitée, et les fruits du travail valorisés et non supprimés par une politique fiscale confiscatoire.

Commentaires

Enfin un politique qui se mouille pour dire des vérités. Notre pays est dans une situation catastrophique, et les 35 ne l'ont pas aidés (ça se saurait!). Nous ne sommes pas compétitif, et notre emploi n'est pas sauvé. Arrêtons ces stupidités d'un autre age, rétablissons la valeur travail (et réduisons les inégalités entre fonctionnaires et privés, mais c est un autre débat!). Merci M.Dominati de dire haut et fort ce que peu osent dire...

Écrit par : olivier | 27/04/2010

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Mais qu'en pense donc M.Pozzo di Borgo, sénateur du fameux et très actuel (sur ce blog en tout cas!) Nouveau Centre? bien silencieux....

Écrit par : olivier | 27/04/2010

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Triste réalité, tant sur les 35h que sur le reste : les 35h, la plupart des grandes entreprises privées, pour éviter des conflits ne souhaitent pas aménager le temps de travail considérant que les 35h est un acquis social. La loi sur les seniors : on en parle mais l'entreprise est "sourde". Et d'autres encore... Les lois existent, mais les entreprises préfèrent payer des amendes plutôt que d'appliquer la loi. Les politiques font leur travail, mais ils ne sont pas suivis. Tristes conséquences d'une société en décadence.

Écrit par : Catherine | 27/04/2010

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Cher Olivier, j'aimerais bien savoir où tu as lu que mon blog évoquait, ne serait-ce qu'une fois, le nom du sénateur Pozzo di Borgo ?

Écrit par : Patrick AYACHE | 29/04/2010

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