15/12/2016
La lettre du sénateur Dominati
Cazeneuve : quel mauvais bilan !
Le renoncement de François Hollande à briguer un second mandat a aussitôt poussé Manuel Valls à déclarer sa candidature, entraînant de fait un ultime jeu de chaises musicales au gouvernement : Bernard Cazeneuve, remplacé par Bruno Le Roux, a donc quitté la place Beauvau pour Matignon.
Au piteux bilan de François Hollande figure pourtant en bonne place la faillite sécuritaire de Bernard Cazeneuve. Rarement la défiance des forces de l’ordre envers leur hiérarchie n’aura été aussi grande et unanimement partagée.
Désigné en 2014, quelques semaines avant l’attentat contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, comme rapporteur spécial au Sénat du budget « Sécurité », j’ai pu contribuer à la mobilisation de la nation contre la menace terroriste et participer au Parlement à toutes les décisions primordiales. Le seul argument du pouvoir, depuis cette date fatidique du 7 janvier 2015, a été d’évoquer la baisse des effectifs des années Sarkozy et la hausse engagée depuis le début des attentats.
Ce seul discours a semblé suffisant depuis deux ans pour que le ministre de l’Intérieur se contente d’affirmer et de revendiquer ce choix comme étant la réponse adéquate aux angoisses de nos concitoyens.
Dans le projet de budget initial de 2017, on constate qu’il y aura certes 5 000 policiers supplémentaires par rapport à 2009, mais au détriment des investissements qui, sur la même période, seront inférieurs de 140 millions d’euros ! « Plus d’effectifs, moins de moyens » : tel aura été la réalité de la gestion de la crise par Bernard Cazeneuve depuis deux ans au ministère de l’intérieur.
Lors de l’examen du projet de budget de l’Etat pour 2017, notre majorité sénatoriale n’a eu d’autre choix que de le rejeter en bloc. Rarement, en effet, nous avions connu une telle insincérité dans des documents budgétaires. En ce qui concerne plus spécifiquement la Police et la Gendarmerie, c’est avec regret mais responsabilité que nous avons dû sanctionner l’action d’un ministre qui, dans trois domaines, aura fait fausse route : le dogme fallacieux des effectifs, la paupérisation des moyens et, surtout, une attitude cynique à l’égard des forces de l’ordre par la multiplication de promesses non tenues ou illusoires.
L’illusoire dogme des effectifs
Le choc de la série d’attentats qui a fait 236 victimes a logiquement placé la question de la sécurité intérieure au cur des préoccupations de nos concitoyens. D’autant qu’une crise migratoire d’une ampleur inédite s’est traduite pour nos policiers et gendarmes par un surcroît d’activité.
Le ministre a fait semblant d’apporter une réponse en augmentant légèrement les effectifs, mais il a, dans le même temps, accepté la principale revendication du syndicat classé à gauche pour modifier les rythmes en vigueur dans la police nationale à partir de la fin du premier semestre de 2017. Cette décision, si la réforme devait être appliquée, entraînera une augmentation de la masse salariale de plus de 20 %.
Ce nouveau rythme dit du « vendredi fort » impliquera dans la plupart des départements la création de brigades supplémentaires. Dans le même temps, pour répondre à une harmonisation européenne, nos gendarmes travaillent depuis le mois de septembre sous le régime d’une instruction provisoire. Le directeur général de la gendarmerie qualifie même de « capitale » la négociation avec Bruxelles, faute de quoi les besoins en heures de travail exploseront. Pourtant la France est, avec l’Italie, le pays d’Europe qui compte les plus importantes forces de sécurité par rapport à la population : 1 policier ou gendarme pour 248 habitants, 1 pour 320 en Allemagne. La gestion de nos forces de sécurité ne dépend pas des effectifs, mais bien de l’effectivité du temps de travail.
Une paupérisation toujours rampante
La colère exprimée par les policiers pendant de longues semaines, en octobre et novembre, partout dans le pays, a démontré que l’absence de moyens n’était plus acceptable. Ils ont le sentiment que seules les unités dédiées à la lutte anti-terroriste, au renseignement ou à la politique migratoire ont bénéficié de nouvelles dotations.
Or, sur chacun de ces sujets, le Gouvernement n’a pas su apporter les réponses nécessaires. En témoigne l’extrême déséquilibre du ratio investissement/fonctionnement. En 2017, les dépenses de personnel représenteront 87,2 % du total des dépenses du ministère de l’Intérieur. à titre de comparaison, le ratio d’investissement et de fonctionnement est deux fois plus élevé pour un policier londonien (14.303) que pour un policier français (7.400). Quant aux tâches indues, leur diminution promise par le Gouvernement ne s’est, elle non plus, jamais concrétisée. Ainsi, moins de 45 % des policiers peuvent être sur le terrain.
Une attitude cynique
Face à cette deuxième fronde des policiers sous le mandat de François Hollande (la première ayant eu lieu sous les fenêtres de Madame Taubira, trois mois avant sa démission, pour protester contre la politique pénale du gouvernement), le ministre de l’Intérieur s’est rappelé que cette situation était paradoxale, à l'heure où le pays est placé sous l’état d’urgence. Aussi, après avoir été reçu par le président de la République en présence des syndicats policiers, il a annoncé que 250 millions d’euros seraient débloqués pour financer des équipements nouveaux. Hélas, quelques jours plus tard, le gouvernement s’est contenté d’un amendement de 100 millions dont 10 étaient bloqués par un principe de précaution budgétaire. Ainsi, quand Cazeneuve annonce 250 il faut s’attendre à 90. La confiance est brisée et dans toute la France une grève des procès-verbaux se développe afin d’amoindrir les recettes de l’Etat. Tout le monde y perd, surtout la crédibilité de l’exécutif.
Ce ministre soigne sa communication et, à défaut d’être efficace, rassure. C’est sans doute pour ces qualités que le président lui a demandé de diriger le gouvernement pour les cinq mois qui restent. Il ne faut cependant pas en attendre beaucoup .
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