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23/01/2016

Une lettre de Philippe DOMINATI, sénateur de Paris

La sécurité sacrifiée

En ce début d'année, j'ai assisté à plusieurs commémorations des attentats de janvier avec le sentiment d'un profond malaise, notamment en écoutant le discours du président de la République.

Le bilan de l'année 2015 est effroyable : 149 morts, près de 360 blessés. Ces attaques terroristes qui ont frappé Paris et à travers elle la France entière resteront comme les pires atrocités commises sur le sol français depuis la Seconde Guerre Mondiale. L'application de l'état d'urgence, les trois jours de deuil national (chose inédite sous la Ve République !) et l'intensité de la solidarité affichée en France comme à l'étranger avec les familles endeuillées auront traduit l'ampleur du drame. Mais la très vive émotion suscitée ne doit pas nous dispenser de nous interroger sur l'existence de réelles failles en matière de sécurité intérieure. De même qu'une grande marche ne saurait constituer la seule réponse à la répétition d'actes de guerre, l'unité nationale ne saurait absoudre l'exécutif de ses nombreuses insuffisances dans le domaine sécuritaire.

Le gouvernement n'a pas eu de stratégie sécuritaire jusqu'en janvier 2015. Et, plus grave, à partir de cette date, il n'a pas pris les mesures nécessaires face à la gravité de la situation. La preuve la plus flagrante de cette inaction est le budget de la "sécurité" voté par l'Assemblée nationale quelques jours avant le 13 novembre. Ce budget se résume à deux chiffres : 0,9% d'augmentation en crédits (alors que le budget "Culture" était en augmentation de 4%) et la création de 1.600 postes supplémentaires (11.800 postes pour l'enseignement. L'après-midi même du 13 novembre, le ministre présentait un amendement rognant de 20 millions d'euros ce budget contraint.

La fable des effectifs

La France compte avec un agent pour 248 habitants les effectifs de sécurité intérieure les plus importants d'Europe, loin devant l'Allemagne (1 pour 320), le Royaume-Uni (1 pour 270), l'Espagne (1 pour 261) ou encore l'Italie, si l'on comptabilise les 10.000 militaires mobilisés dans le cadre de l'opération Vigipirate. Ce n'est donc pas les hommes qui manquent, mais leur disponibilité sur le terrain.

Sous le gouvernement précédent, comme pour toute la fonction publique, les effectifs ont été diminués. Il fallait répondre à la crise financière par des mesures financières. Mais cette baisse s'est traduite par une augmentation de la masse salariale sur la même période de 10% pour la police nationale et de 5,1% pour la gendarmerie. Moins d'hommes, mais mieux payés. (Cour des comptes 2013). C'est moins le nombre d'hommes qui compte que leur temps de travail effectif, leur formation, leur encadrement, et la façon de les employer.

Une doctrine cache-misère

Depuis l'alternance, la gauche a mis fin à la décroissance des effectifs de la fonction publique, mais cela ne s'est pas traduit spectaculairement parmi nos forces de sécurité. En effet, la progression jusqu'en janvier 2015 ne représente que 0,014% des effectifs, (3.422 sur 240.000). Inutile de dire qu'en nombres d'heures sur le terrain, c'est invisible. Qui plus est, cet effort s'est fait clairement au détriment des moyens et des investissements. Que font les policiers lorsque manquent les équipements de toutes sortes ? (Voitures, gilets pare-balle, ordinateurs, rénovation de locaux, etc.)

Les frais de personnel représentent désormais 89% du budget du ministère de l'intérieur. Avec des effectifs prévisibles en 2016 équivalents à ceux de 2009, c'est un différentiel de 336 millions d'euros en crédits d'équipement qui manquent par rapport à 2009. Pour être concret, sur une période de quatre années, c'est une différence de 1.941 véhicules de police par an.

Un réveil tardif

Au lendemain des attentats, le président de la République nous a fait part, à Versailles, d'une nouvelle vision de sa politique sécuritaire, en reprenant d'ailleurs plusieurs propositions émanant de l'opposition. Le gouvernement a, comme je le lui demandé depuis des mois au nom de la Commission des finances, débloqué en urgence des crédits pour les équipements. Mais la formation des hommes sera plus longue. La réorganisation est une urgence : procédures d'intervention, chaines de commandements, échanges d'informations, cloisonnement des services. On décèle clairement des failles dans l'organisation et dans la doctrine de commandement des forces de l'ordre.

Est-il judicieux d'en parler aujourd'hui alors que tous les fonctionnaires en charge de notre sécurité font preuve d'un engagement reconnu par tous ? Les discours et les hommages aux victimes ne doivent pas masquer les erreurs et les retards. Le pouvoir peut-il être responsable mais pas coupable ?

Pour ma part, j'ai dressé un état des lieux des moyens du renseignement intérieur, approuvé à l'unanimité de la commission, que vous pouvez lire comme il est indiqué ci-dessous. J'ai fait des propositions, j'espère qu'elles seront vite prises en compte, le renseignement étant l'arme principale pour lutter contre le terrorisme.

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